Cachés derrière leurs lunettes noires,
hiératiques et silencieux, ceux qui l’avaient capturé assistèrent à leurs
embrassades. Ils obéissaient à des ordres. Luís lui promit que tout
s'arrangerait, qu'on le relâcherait si personne ne l’avait dénoncé.
—Federico, tu n'as rien fait de mal —lui
affirmait-il, alors qu'en son for intérieur, il regrettait de ne pas avoir
écouté l’ambassadeur du Mexique.
La Buick noire s'éloigna promptement du numéro 1
de la Calle Angulo de Granada. Pendant le
trajet vers La Colonia, Federico, le regard perdu et agité par des pensées
effrayantes, ne cessait de se répéter: «Quelle erreur ! Quelle immense
erreur!»
Seul, Luís se désespérait, «Mon pauvre Federico!
Dieu même ne pourrait pas te sauver!»
Dans un bureau sale, sombre et lugubre du Gouvernement Civil, son occupant, José Valdés
Guzmán parlait au téléphone:
—C'est bon, on le tient! Ça a été facile. Très
facile. L'oiseau s'était réfugié chez Luís… Aucun problème, Luís est des nôtres!
—À vos ordres. Nous lui donnerons du café, oui,
beaucoup de café ! Nous n'attendrons pas
le lever du soleil!
Des centaines d'hommes s'entassaient dans la
cour. Les uns somnolaient, d'autres n'arrivaient pas à fermer l’oeil à cause de
l'horreur de la situation. On entendit des bruits de bottes.
—Dióscoro Galindo, Francisco Galadí et Joaquín Arcollas,
allez, debout!
Personne n’émettait le moindre son, pas même un
sifflement. La lumière était faible.
—Ils sont tous là? —demanda la voix.
—Il y a aussi celui-là —répondit l'autre en désignant
le poète.
Cela se passait bien avant l'aube du 19 août
1936. Ils quittèrent La Colonia dans le même véhicule et partirent vers le
Nord, en direction de la Sierra de l’Alfaguara. La Buick s’arrêta sur un
terrain découvert. Des coups de pistolet retentirent, avec les oliviers pour
seuls témoins. Les genêts, le thym et le romarin furent le linceul de ces
corps. Les lys ne brillèrent pas ce jour-là et les rouges-gorges ne se levèrent
pas avec le soleil, laissant les corbeaux oeuvrer à leur aise. La brise, elle,
ne souffla pas.
—Mission accomplie. Ces types-là n'étaient pas originaires
de Viznar ou d’Alfacar ! Alors, enterrezles bien profond !
Publicat originalment en castellà: Dále café, mucho café
Tradït per Elena Genau (Université de Bordeaux)
Il·lustració: "La Brecha de Víznar", del pintor José Guerrero (1914-1991)
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